Un point sur le projet de loi de finances 2018

La présentation d’un budget est un acte politique fondamental pour un gouvernement. Encore plus quand il s’agit du premier projet de loi de finances publiques d’un nouveau quinquennat, d’un nouveau président à qui on ne donnait aucune chance d’être élu il y a douze mois et qui avait mis en avant sa volonté de réformer le pays.

Le résultat est plutôt concluant, jugent nombre d’économistes, favorables à la poursuite d’une politique de l’offre. Ce n’est pas une «révolution» mais un vrai « choc fiscal». Les efforts de modération des dépenses publiques sont toutefois reportés à la fin du mandat présidentiel.

A court terme, c’est davantage l’accélération de la croissance qui explique la baisse des dépenses publiques … rapportées au PIB. En valeur et en termes réels (corrigés de l’inflation), elles continuent de progresser vivement. Le déficit structurel (hors effet conjoncturel) ne se réduit quasiment pas. Force est de constater que ce résultat est la conséquence du choix du gouvernement de diminuer les impôts pour les ménages, les épargnants et les entreprises. Personne ne s’en plaindra après le matraquage fiscal des deux derniers quinquennats! C’est aussi une condition nécessaire pour de meilleures performances économiques.

CRÉDIBILITÉ du projet de loi finance 2018

Nombre de ministres de l’Economie et des Finances en ont rêvé, Bruno Le Maire sera peut-être celui qui aura réalisé ce rêve de grand argentier de rééquilibrer les finances publiques. Il est bien trop tôt pour en être assuré, mais le projet de loi de finances 2018 en prend bien la direction. D’ici à la fin du quinquennat du président Emmanuel Macron, le déficit public devrait être ramené à 0,2 % du PIB si les engagements sont tenus. Autant dire 0 % ou l’équilibre des comptes publics.

Au-delà de ce symbole, le ministre utilise trois chiffres – 5, 3 et 1 – pour décrire ce projet de budget. Baisse de 5 points de pourcentage de la dette publique dans le PIB d’ici à 2022; repli de 3 points des dépenses publiques toujours rapportés aux richesses créées ; et, enfin, retrait de 1 point des prélèvements obligatoires pour la même échéance.

Cela n’a l’air de rien mais constitue une rupture par rapport à la dérive des quarante-quatre dernières années. Le dernier budget équilibré date de 1973, soit avant le premier choc pétrolier. Depuis, les gouvernements ont géré la fuite en avant avec quelques périodes de rémission.

Ces engagements sont-ils sincères ? En y regardant de plus près, les dépenses vont continuer à augmenter, mais moins vite que le PIB. La baisse des dépenses publiques n’est que comptable grâce à l’accélération de la croissance économique. Merci au rebond économique. C’est d’autant plus visible que le déficit structurel – hors impact conjoncturel – se réduit très lentement. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) s’en est inquiété : seulement 0,1 % d’ajustement structurel est prévu en 2018, bien moins que ce que les règles européennes préconisent.

Les efforts de l’Etat sont limités. Ses dépenses continueront à augmenter en valeur et en volume (corrigées de l’inflation). Pis, le déficit budgétaire va encore se creuser, passant de 81,7 milliards d’euros en 2017 à 84,3 milliards en 2018. A la décharge de Bercy, il est vrai que tous les efforts de baisse d’impôt sont à la charge de l’Etat, à commencer par la suppression du premier tiers de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. On ne peut, sur ce point, que saluer ses efforts.

Loi de finance 2018 : RÉDUCTION D’IMPÔT

Les impôts reculeront de 10 milliards d’euros l’an prochain, dont 6 milliards pour les ménages et 4 pour les entreprises. C’est moitié moins que les promesses de l’été. Parmi les mesures les plus médiatiques, on retiendra la suppression de la part actions de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ou plutôt son remplacement par un impôt sur la fortune immobilière. Les épargnants seront également soumis à une fiat tax, soit un impôt de 30 % sur les revenus de leurs placements (lire ci-contre).

Les ménages bénéficieront surtout d’une suppression des cotisations salariales maladie et chômage, compensée toutefois par une hausse, moindre, de la CSG ( + 1,7 point). C’est notamment là que se trouvent les gains de pouvoir d’achat.

C’est surtout du côté des entreprises que les ajustements plus marquants seront réalisés. Ainsi, le PLF 2018 perfectionne la réforme de l’impôt sur les sociétés (IS) initiée par le précédent gouvernement. Dès l’an prochain, le taux sera abaissé à 28 % pour toutes les entreprises pour les 500.000 premiers euros de bénéfice (33,33 % au-delà). Même dispositif en 2019, avec un taux normal réduit à 31 %. Le taux de 28 % s’appliquera ensuite pour l’ensemble des bénéfices dès l’année suivante ; il sera ramené à 25% en 2022.

CHARGE DE LA DETTE

Le CICE verra, lui, son taux baisser de 7 % à 6 % pour les salaires versés en 2018. Il sera supprimé en 2019, mais les entreprises bénéficieront de baisses de cotisations sociales pérennes, ciblées sur les bas salaires. Elles sont plus efficaces pour favoriser l’embauche. Ces réformes susciteraient un gain pour les entreprises (IS et CICE) de quelque 8 milliards d’euros en 2022, soit près de 3,7 % de leur bénéfice comptable, assure Bercy. Cela pourrait représenter un surplus de dividendes versés aux actionnaires de 2 à 4 milliards d’euros sur la base d’un taux de distribution compris entre 25 % et 50 %. Toutes ces mesures visent à renforcer la compétitivité de l’économie française. C’est via ces efforts que le gouvernement espère convaincre ses partenaires européens de sa crédibilité. Celle-ci passe aussi par la réduction, dès cette année, du déficit public sous la barre des 3 %, puis à 2,6 % en 2018.

La France est le seul pays européen avec l’Espagne à subir une procédure européenne pour déficit excessif Les esprits chagrins noteront le rebond prévu à 3 % du PIB en 2019, mais celui-ci s’explique pour une large part par des raisons comptables. Le remplacement du CI CE par une baisse des charges patronales revient à verser deux fois sonmontantlamême année. D’ailleurs, Bercy s’engage à une réduction drastique de ce même déficit l’année suivante à l,5%duPIB.

Ces projections sont toutefois fragilisées par la difficulté à prévoir la charge de la dette. Celle-ci devrait augmenter brutalement de 41,9 milliards en 2019 à 44,7 en 2020. Cette évolution est évidemment largement dictée par celle des rendements des obligations d’Etat, qui échappent au contrôle de l’Etat français. Certes, la BCE, via son plan d’achats (QE), a largement contribué à les contenir. Mais elle y mettra un terme au cours de l’année prochaine. Dès 2018, le Trésor français empruntera sur les marchés le montant record de 195 milliards d’euros et à des conditions différentes de ces dernières années. L’Agence France Trésor (AFT) fait l’hypothèse que les taux à 10 ans augmenteront à 1,85 % fin 2018, contre 0,79 % aujourd’hui. Le Premier ministre Edouard Philippe estime qu’une hausse de 1 point de pourcentage conduit à un coût de 10 milliards supplémentaires au bout de cinq ans. A surveiller

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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